Ecrire un article
L'industrie lucrative de la misère
--> Les "cartoneros" et l'industrie du recyclage en Argentine
Alors que la pauvreté, la misère et la violence urbaine connaissent une augmentation sans précédent dans une Argentine durement touchée par la crise économique, une nouvelle profession, tirant profit de l’absence d’un programme de collecte sélective des ordures, semble proliférer : les cartoneros - ou « collecteurs de carton » -, dont les affaires génèrent plusieurs millions de pesos à chaque année.
À la suite de la crise économique de 2001, presque la moitié de la population de l’Argentine s’est vu sombrer dans la pauvreté : en effet, entre janvier et juin 2004, 44,3 % des argentins vivaient sous le seuil de la pauvreté, selon l’Institut National des Statistiques et des Recensements (INDEC).
Ainsi, depuis quelques années, il n’est pas rare de voir, jusqu’à tard dans la nuit, un père de famille, sa femme et leurs enfants fouillant dans les bacs à ordures, y cherchant non seulement des restants de nourriture, mais surtout du papier et du carton. En effet, les cartoneros, comme on les surnomme, sillonnent souvent, en une seule journée, l’immensité du territoire de la conurbation de Buenos Aires afin d’amasser des matières recyclables (particulièrement le papier et le carton) qu’ils revendront ensuite à des entreprises de recyclage pour un prix moyen de 195 pesos la tonne (environ 83$ CAD), selon ce qu’indiquent les résultats d’une étude du Programme de Récupération en milieux urbains de Buenos Aires (PRU).
« C’est un travail difficile qui requiert de beaucoup d’efforts; je le fais parce qu’avec ça je réussis à survivre », confie Raul Inojoza, père de quatre enfants et cartonero, interviewé par Página 12 (un quotidien de Buenos Aires), le 28 septembre dernier. Grâce à l’aide de sa femme et de deux de ses enfants, M. Inojoza réussit à amasser plus ou moins 600 pesos par mois, parcourant le grand Buenos Aires en train à la recherche du carton qui lui permettra tout juste d’alimenter sa famille.
Cette année (entre janvier et juin), selon l’INDEC, 15,3 millions d’argentins ont partagé les mêmes conditions de vie que la famille de M. Inojoza, c’est-à-dire des conditions précaires, en deçà du seuil de pauvreté, et ce, dans un pays où les plus démunis ne bénéficient que d’un maigre filet de protection sociale.
Par ailleurs, si M. Inojoza - de même que les 10 000 autres cartoneros de l’Argentine - réussissent à subsister, c’est, paradoxalement, grâce à l’absence d’un programme de collecte sélective des ordures. En effet, les cartoneros argentins collectent annuellement près de 430 000 tonnes de papier, de carton et de papier journal, qui, autrement, se seraient retrouvées enfouies dans les décharges des municipalités de la province de Buenos Aires.
Ces 430 000 tonnes sont donc récupérées et vendues par les cartoneros à divers entrepôts; en moyenne, un cartonero fera environ 250 pesos par mois. Ces 250 pesos ne représentent que la pointe du iceberg de toute une industrie, celle du recyclage, dont les revenus s’accroissent au fur et à mesure où sont franchies les différentes étapes du processus de récupération, pour atteindre, en bout de ligne, près de 500 millions de pesos (plus de 210 millions CAD) par année, selon le PRU. « On ne parle plus de micro, mais plutôt de macroéconomie », affirme avec enthousiasme Sandra Carlino, responsable du PRU à Buenos Aires, lors d’un interview accordé à Página 12. « Le recyclage, en plus de permettre à des gens de survivre, est, d’un point de vue économique et écologique, beaucoup plus avantageux que l’enfouissement », conclut-elle finalement.-30-Travail réalisé pour le cours d'Initiation à l'écriture journalistique.
Ecrit par Juanero, le Mercredi 8 Décembre 2004, 16:10 dans la rubrique "Travaux".
Repondre a cet article
|